Le “Favela Tour”
Favela Tour c’est une organisation qui propose de visiter une Favela et je me suis dit que c’était un truc a faire. Quand je traverse des quartiers glauques et miserables de Bangkok je me dis souvent qu’on devrait montrer ca aussi aux touristes. La Thailande c’est pas que des temples et des belles plages malheureusement.
J’ai hesite un peu au debut car j’avais peur que ce soit un truc un peu voyeuriste ou un tour a la con, mais je me suis renseigne et ca avait l’air pas mal : le tour se fait en van de maximum 9 personnes, et pas en bus de 50 personnes, l’organisation a des projets sociaux dans la Favela (en l’occurrence une ecole) et investit donc une partie des revenus generes par les visites dans les projets.
La visite se fait sur une demi journee, matin ou apres midi. J’ai pris apres midi, c’est les vacances, quand meme :)
On visite 2 Favelas en fait, Rocinha, la plus grande Favela de Rio, 60 000 habitants officiellement, mais le triple officieusement, et une autre plus petite de 3 ou 4000 habitants, celle dans laquelle l’organisation a son projet.
C’est pas Disney Land, l’organisation a l’autorisation du gang qui gere la Favela pour y emmener des touristes, mais dans certains coins il est clairement interdit de prendre des photos. Notamment dans le coin ou les moto-taxis attendent leurs clients pour les emmener un peu partout dans la Favela. Beaucoup de ces moto-taxis servent aussi d’hommes de main pour les gangs et ne tiennent pas a avoir leur photo sur le web dans la rubrique « Dangereuse Favela du Bresil ».
Quand j’ai visite il y avait en fait 2 vans, mais qui ne faisaient pas le meme parcours au meme moment. Des touristes plutôt jeunes et europeens, mais aussi un couple de retraités americains. Le monsieur devait avoir 70 ans bien tassés et quand on a crapahuté dans les petites allees, sous le soleil, ca a inevitablement declenché chez moi le « syndrome de l’Ile de Pâques ». Heureusement tout s’est bien passé pour lui. Et donc pour moi :)
La Favela Rocinha est en fait une ville dans la ville. Une seule rue la traverse, les maisons sont des especes de cagibies en brique posés les uns sur les autres, les allées sont en fait les espaces laissés entre les maisons, parfois on ne tient meme pas debout, certaines maisons sont sous terre, etc. Bref c’est l’anarchie la plus totale dans l’urbanisme, mais il y a des transports en commun, des banques, des magasins, une radio locale… Y a meme eu un Mc Do mais il a fermé depuis. Son concurrent, une chaine de hamburgers locale, est reste.
C’est une « communauté » organisée dans laquelle il y a meme deux petites stations de police, mais tout le monde sait que c’est le gang local qui fait la loi. Visiblement la loi est simple : fais ton business (legal !) et occupe toi de tes affaires, ne parle pas aux flics, on s’occupe de ta securité, les problemes se reglent au sein de la communauté.
On est loin des bidons villes de Thailande qui ne sont que des « logements », mais dans les 2 cas l’insalubrité et les difficiles conditions de vie sont quand meme un peu comparables. Et l’equipement en télés est impressionant. Tout le monde se raccorde a l’electricité sur l’eclairage public (comme en Thailande) et il y a meme des lignes internet haut debit !!!
Ca reste un endroit super glauqe, infesté par la drogue, l’alcool (l’alcool de sucre de cane, dont on fait la caipirinha, mais qu’ils boivent pur) et la violence. Sauf que le gang fait tout pour que la police ne vienne pas trop souvent et fait donc regner l’ordre. On dit que le plus gros risque pour un touriste qui se balladerait dans une Favela c’est d’etre emmerdé par les flics qui pensent qu’on vient chercher de la drogue et qui sont tellement corrompus qu’ils vont essayer de vous prendre du pognon d’une manière ou d’une autre.
Les Favelas sont dans les villes. Celle-ci est a quelques centaines de metres seulement de l’ecole privee la plus chere de Rio, une ecole a 1500$ par mois ! Les habitants des Favelas sont la ou ils sont pour etre a proximite de leur lieu de travail : les banlieues riches, les centres commerciaux, les coins touristiques…
Les Favelas sont en haut des collines alors que les belles résidences sont en bas, dans les plaines ou au bord de la mer. C’est le paradoxe de Rio : les pauvres ont la plus belle vue !
L’autre Favela est simplement un ensemble d’habitations avec quelques bars et commerces, mais rien a voir avec la premiere. A coté se trouve l’ecole financée par Favela Tour et par un organisme italien. Les gamins des Favelas (certains) vont a l’ecole publique, mais au Bresil l’ecole fonctionne en demi-journees : on y va soit le matin, soit l’apres-midi. L’autre demi journee est consacrée, pour les gamins des classes moyennes et aisees, aux activites sportives et culturelles. Pour les gamins des Favelas, elle est souvent consacrée a travailler pour les dealers de drogues. C’est pour eviter ca et occuper les gamins pendant leur demi-journee libre qu’il y a cette ecole.
Beaucoup de choses se font pour essayer d’ameliorer les conditions de vie dans les Favelas, mais alors que le Bresil se developpe a toute allure, les Favelas continuent a grossir et l’ecart riches-pauvres, déjà hallucinant au Bresil, s’accentue.
Visite instructive donc, que je me devais de partager avec vous (a c'est moins rigolo en vrai, hein ?).
Il y a clairement d’autres choses a faire a Rio que de visiter les Favelas, mais ne pas les connaitre c’est ignorer une triste realite du Bresil, un probleme que les gouvernements successifs (y compris celui du populaire Lula) negligent et font tout pour minimiser.
Il y a plus de 700 Favelas a Rio. 20 % des habitants de Rio vivent dans des Favelas. La vendeuse en magasin, le receptionniste de l’hotel, la femme de menage, le serveur, le vendeur de rues… Rio c’est plus de 6 millions d’habitants. Et c’est la meme chose dans toutes les grandes villes du Bresil. Au total 15 a 20 % de tous les habitants du Bresil vivent dans des Favelas. Et le Bresil, c’est pres de 200 millions d’habitants…
Alors si vous passez par Rio, allez-donc faire un tour dans les Favelas. Mais avec Favela Tour ;)
6 commentaires:
Les 15 à 20 % qui vivent dans les favelas correspondent à nos 15-20% de la population qui vit en logement social ou logement aidé.
La proportion de pauvre est je pense toujours la même dans toutes les sociétés. Après, la différence, c'est comment la société s'organise pour les aider.
A quand le même concept dans nos cités ? De quoi animer les vacances de nos touristes américains, japonais et autres. Le téci-tour ça pourrait s'appeler, en voila une bonne idée pour nos entrepreneurs en herbe :)
En risquant d'avoir l'air inculte, c'est quoi le "syndrome de l’Ile de Pâques" ?
> trib : ouais, la comparaison s'arrete la car les conditions ont rien a voir.
> aurelien : sauf que chez nous t'es sur que ca se finit mal :)
> gertrude : bonne question ! Ca prouve que toi tu as vraiment lu le post en entier :) Normal que tu connaisses pas, le syndrome de l'ile de paques me concerne exclusivement : c'est un etat d'anxiete lie a la presence d'une personne (tres) agee lors d'une visite en groupe. Faudrait que je fasse un post la dessus pour expliquer tout ca :)
Intéressant tout ça. L'alcool de cane à sucre est la Cachaça. Très bon post. Il était temps que je me réveille de la réalité pour recoller au réalisme du web :)
merci pour toutes ces infos je cherche à ecrire un livre sur le sujet donc je suis ravi de ton temoignage ++
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